Embrasement

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"Si la pratique de l'alchimie revient à philosopher avec le feu,l'expérience poétique mène à ressentir,parler et vivre par le feu" Jean-Luc Maxence





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10.11.10

Demain matin

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Seize octobre mille neuf cent quatre-vingt trois
Que t'importe à toi que t'importe
Je regarde passer l'automne provençal
Bien planqué derrière ma porte
Les nouvelles que le vent m'apporte
Ne m'apportent que dalle

Demain j'aurais des ailes

Dans mon anonyme différence je m'indiffère
Regarde-moi bien je suis un poète anonyme
J'écris les mots du destin quelque part ou ailleurs
J'écris avec mes tripes et mon sexe en débine

J'ai le coeur qui éjacule

En ces temps malades et rabougris
Sous l'oeil rapace des vautours
Je perd la face
Dans de stupides jeux de miroir

Tu pourras toujours venir t'y voir
Tu pourras toujours venir t'y voir
Tu n'auras peut-être jamais le courage de m'y voir

Si tu as trop peur de mes instances pars
Réchauffer ta fuite sous les soleils furtifs
Des sourires technicolors

Je suis l'ombre meurtrière
Glissé dans ton décor
Je fais le mort
Sous tes larmes de réverbère

Je suis le renard blessé qui chante sa blessure
J'ai laissé ma langue
A l'entrecuisse de ta coulure
Je tangue

Je suis le vieil arbre mauve
Qui écoute pousser tes cheveux
J'ai piqué à l'automne le reflet fauve
Des derniers feux

Je suis le ciel étoilé de mer
A l'étincelle de tes marées
Je redémarre l'univers

Demain j'aurais des ailes


A mes heures mammifères
Quand me prend l'ennui d'aller faire
Un tour chez vos sociales habitudes

Vos regards froids de citoyens-rois
Mathématiquement me renvoient
A mes albatros solitudes

Nous sommes au bout du rouleau
Avec nos appareils jetables
A figer le vertige des instants

Avec nos mémoires numériques
Qui se souviennent des morts
Qui chantaient à l'aube électrique

Le bonheur est une idée lucrative
Inventée par des marchands

Demain j'aurais des ailes

Je laisse mon âme
Aux voyoux des caves h.l.m
Qui s'inventent sans qu'on les aime
Des coktails musique molotov

Je laisse mon âme
Dans le regard de l'enfant
Pour m'y voir encore
A mes soirs d'enterrement

Je laisse mon âme
Dans la majorette du clochard céleste
Elle se tient bien au chaud
Planquée sous sa veste

Je laisse mon âme
Dans les ventres parfumés
Où j'ai laissé ma flamme
Et le reste


Je portais en ce temps là un chapeau feutre noir
Pour bien marquer mon territoire
Et cette éternelle cigarette qui emplissait mes poumons
D'une chaleur fraternelle et sans façons

Je laissais pousser mes cheveux
Au delà que de raison
Et mes cheveux se laissaient pousser
En mémoire de vent

J'avais les stylos flûtes
A écrire la musique des mots
Je remplaçais ces maudits vers
Par des chants d'oiseau

J'ai rangé dans un coin de ma tête un vieux coucou
Qui dort et ne dit rien
Je le rejoins
Quand la bêtise me guette


J'ai marché longtemps
J'ai trainé dans les effluves du temps mauvais
J'ai bu jusqu'à la lie des cuves
J'ai marché j'ai cherché dans l'autre
Ce quelque chose cette fiabilité
Cette authenticité dans la chaleur
Mais l'autre a voulu me manger
Mangez de l'homme mangez de l'homme
Je n'ai plus faim

Je jeûne aujourd'hui et c'est bien et c'est triste
Ces soirs où je me prend pour un artiste
Comme ce soir où je vous poétise ma vie
Et l'écris et l'enjolive et la falsifie

Je suis d'un autre monde
Ce monde je l'ai construit mot à mot
Nuit après nuit tourment après tourment
Ce monde je l'ai construit seul

Et j'ai bien pris soin préalablement de semer autour
Quelques écueils de circonstance
Afin que vos panses de bien pensant
Ne s'y perdent jamais

J'ai mis la mort dans ma poche
Non pas cette mort avec sa sale gueule et sa faux
Non la mort tout simplement
Je ne la connais pas
Et la mort ne m'intéresse pas
Et c'est pour cela que je l'ai mise dans ma poche

J'avais en ce temps là un chapeau feutre noir
Comme pour bien cacher mon désarroi

Tandis que s'écoule lucide la prière de ma clope
Les rumeurs d'apocalypse agitent la vieille europe

Que veux-tu que j'y fasse

J'avais en ce temps là un chapeau feutre noir
Un peu comme les vieilles villes ont des remparts
Il faut cacher son coeur et son art

Les poètes sont tous de grands rêveurs
Méfies-toi des autres et de leur regard quadrillé
Ils finiront toujours par t'enfermer
Où tu n'as pas envie d'être

Je vis donc ailleurs  et demain matin.







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1 commentaire:

hasia a dit…

Un profond désarroi traverse votre poème poignant et beau.
A vous,